Étrange Festival 2012 : Compétition internationale.
Les angoisses d’un père agoraphobe face à une cité envahie d’enfants mutant : tout cela est très sérieux, ça s’appelle Citadel et ça fout un peu les jetons. Un beau film sur la foi en l’Homme aux quelques maladresses excusables.
Comment réagirions-nous si l’on assistait à la mise à mort de sa femme enceinte ? Pis, comment devenir un bon père quand ce traumatisme vous rend agoraphobe ? C’est de ce double handicap que part Tommy, le héros de Citadel, premier long-métrage de l’irlandais Ciaran Foy. La catharsis saute aux yeux et la puissance angoissante du film s’en retrouve décuplée. Car bien plus qu’un simple petit film de genre, Citadel explore profondément les angoisses du type. Imaginez le père de La Route (adapté au cinéma par John Hillcoat) qui ne saurait pas gérer son nouveau rôle. Au lieu de rassurer son enfant, il l’angoisserait. On craint pour ce bébé, hurlant de peur et de désarroi. Car les craintes de Tommy ne s’avèrent pas injustifiées. Ces loubards qui ont mis à mort sa femme rôdent dans un no man’s land complet. En cela, Citadel a des résonances post-apocalyptiques. S’il est question de s’enfuir, jamais cette issue ne semble plausible. Le réalisateur se garde bien de tomber dans le simple vigilante movie et y préfère un tournent plus fantastique, aux accents évident de Romero.
C’est d’ailleurs dans ce basculement que quelques réserves subsistent. Le script ne tient pas complétement debout, une forme de confusion demeure. Et pourtant, il reste une puissance évidente à l’ensemble. Bien aidé par un travail sonore dantesque tant il glace le sang, Foy catalyse le sensitif pour le transmettre à l’écran. L’empathie envers le héros est immédiate. On ressent son angoisse, on lutte avec lui. Lors d’une scène d’assaut de la maison par les gamins maléfiques, la confusion et la détresse rendent tellement impuissant que l’on se sent mal. L’enfant comme une relique sacrée attire les convoitises. Mais c’est l’amour tendre et maladroit du père qui doit se frotter à la dure réalité. Le film sait prendre son temps pour montrer l’égarement. Il offre aussi un peu de répit pour développer notamment son thème sur la parentalité. Mais surtout il prépare la cruauté de son histoire. Aucun cynisme ici, juste des personnages qui se forment honnêtement. Mis à part le prêtre, ils sont bien écrits. Les aspérités du scénario, les maladresses ici et là se pardonnent aisément devant le travail remarquable effectué pour un premier film. Par ailleurs, ce qui est dit sur l’abandon des territoires aux bandes est effrayant. Le film ne vire pas au procès pro-sécuritaire, mais il appuie encore sur l’horreur de ces grandes barres d’immeubles impersonnelles. Tout y est froid, chose bien rendue par la photographie. Les espaces de repos (un appartement chic loin de la banlieue) se font loin de l’immeuble maudit. Le Salut est ailleurs.
Avec son infirmière qui s’appelle Marie, ses reliques chrétiennes et son personnage de prêtre, Citadel regorge de sous-texte religieux. Même l’enfant qui aide Tommy et le prêtre est aveugle à l’instar de ces héros de la mythologie grecque où un handicap compense un pouvoir exceptionnel. Mais Foy détourne le sujet religieux. La foi en Dieu est mise à mal et elle se transforme en foi en soi. Celle-ci vainc les peurs, évacue le mal et permet de se confronter au réel. Ce n’est que par ce chemin que Tommy pourra devenir père. Seule cette force inouïe viendra à bout de ces zombies. Le basculement n’est pas parfaitement amené mais sa force, guidée par l’envie de sauver l’enfant, offre une fin touchante à ce film de genre qui ne joue jamais au malin. Dommage qu’on ne sente pas plus que les rôles d’assaillants et d’assaillis s’inversent. On aurait eu droit à un beau film se siège et d’infiltration. Reste le côté poisseux, un peu comme les couloirs sombres et claustrophobiques de la saga Alien. La peur y est très primaire. Sans jouer sur les jump-scares, l’ambiance se nourrit de son environnement, aidé par l’air perdu de son acteur Aneurin Barnard. Lorsque l’écran de fin arrive, un certain soulagement point. On respire mieux, la foule de la salle de ciné se disperse et évite de soi-même sombrer dans l’agoraphobie. Fin de la séance de psy.