Agnès Merlet a du talent, c’est un fait. Son retour derrière la caméra en 2008 avec Dorothy, après une abscence de 11 ans, l’avait prouvé à tout le monde malgré ses quelques défauts. Définitivement portée sur le fantastique, elle revient cette année avec Hideaways qui a déjà fait le tour des festivals et tente le pari délicat du conte moderne. Le genre est assez peu fréquenté par les artistes français, et le plus beau conte fantastique apparu sur nos écrans ces dernières années n’en est pas tout à fait un : Innocence de Lucile Hadzihalilovic. Quoi qu’il en soit, la simple idée de s’atteler à cette tâche est à saluer, et Agnès Merlet est pour cela repartie en Irlande, pour capter un univers fantastique. Si les ambitions sont bien là, les grands espoirs aussi, le résultat n’est malheureusement pas à la hauteur. La montée en puissance émotionnelle ne fonctionne pas et entraine a contrario une baisse d’intérêt croissante. Dommage car Hideaways partait sur des fondations absolument sublimes.
Le fantastique gentillet fait une incursion immédiate, dès l’introduction qui suit le mode de narration ludique imposé par Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain. La mythologie alors établie, la création d’une malédiction familiale, fonctionne parfaitement et les images déployées à l’écran se montrent de plus en plus puissantes et de plus en plus noires. Cette malédiction qui était plutôt amusante s’avère au final être un terrifiant handicap. Dans Hideaways comme dans Dorothy, le vecteur est à nouveau l’enfant, être inoffensif qui se retrouve tout à coup dans la peau d’un monstre aux pouvoirs démoniaques, ici dans une veine proche de Malicia dans les X-men. Sauf que l’enfance ne constitue finalement que l’introduction de cette histoire, sa mise en place dramatique. Hideaways est plus un film sur l’adolescence qui d’un côté venge un peu le spectateur de la bêtise de l’autre franchise fantastique adolescente du moment, l’imbuvable Twilight, mais qui de l’autre en reprend certains aspects. Pourtant les premières notes sont vraiment encourageantes, avec une attention toute particulière sur le montage raffiné des séquences et une symbolique assez intéressante. Le premier problème vient paradoxalement d’une bonne idée, celle de traiter le cancer sur le mode de la malédiction. L’idée est belle, le combat à l’écran également, mais l’autre malédiction, celle moins palpable, ne représente plus grand chose en perdant son ancrage dans le réel. Qu’importe, on peut s’en passer et on entre rapidement dans le cœur du film, la romance. Une romance entre êtres maudits, en voilà une autre belle idée qui n’hérite pas du traitement qu’elle méritait. Plus les minutes passent, plus cette histoire d’amour qui aurait du atteindre dans un idéal cinématographique la pureté d’Edward aux mains d’argent perd de son intensité et de son style, se lovant dans un modèle actuel de niaiserie adolescente aux enjeux un peu bêtes. Il semble qu’Agnès Merlet ait du mal à définir la limite entre fantastique et enfantillages sans intérêt, incapable de retenir la bride du ridicule toujours proche et qui finit par prendre le dessus. Il y a de quoi enrager car la promesse d’un final superbe se transforme en quelque chose de risible, et pas seulement dans les clichés qu’il véhicule.
Il y a pourtant des choix courageux, dont celui d’imposer une rupture de ton assez brutale dans la dernière partie qui vire ua thriller très noir, mais au final c’est la déception qui l’emporte. Celle surtout de voir des promesses de mise en scène incroyables gâchées par un script soit trop frileux, soit sans retenue, et surtout maladroit. Dès lors, dans des clichés ambulants, difficile de se sentir proche des personnages malgré les performances tout à fait recommandables du duo d’acteurs principaux, et l’émotion se retrouve malheureusement enterrée sous une tonne de mélo artificiel. Les belles choses sont plutôt formelles, avec ce beau grain de cinéma très appuyé, ces distances variables en fonction des sentiments des personnages ou des choix de mise en scène radicaux dans leurs changements quand le film se fait plus noir. Hideaways est bourré d’images sublimes, développe, notamment grâce à la photographie magnifique pour capter l’ambiance d’un conte de Tim Fleming, un véritable univers visuel fait de contrastes appuyés et de symboliques simplistes, mais peine à nous emporter par un récit tout de même faiblard. Dommage, car il y a tellement de belles choses à côté de ces défauts rédhibitoires…